Chapitre 22 du livre Les trucs d’anglais qu’on a oublié de vous enseigner, paru aux éditions L’Instant même
On s’imagine facilement que le français est truffé d’anglicismes à combattre, sans penser que l’anglais peut être à son tour soumis à l’influence du français. C’est pourtant le cas ! Après la conquête normande de 1066, toute la noblesse anglaise a parlé français pendant des siècles. Encore en 1908, le réputé linguiste anglais H.W. Fowler décriait la surabondance des locutions françaises qui émaillaient les pages du Times de Londres. Ces emprunts au français, appelés gallicismes, existent sous diverses formes.
Gallicisme BCBG
Quoi de plus chic qu’un mot français! On laisse ainsi transparaître sa culture, son raffinement et son respect pour l’érudition de son auditoire. Parmi les plus répandus des gallicismes BCBG, notons raison d’être, après-ski, apropos, roman à clef, soupçon, tête-à-tête (le lien avec l’amour fait extra chic!), rendezvous (presque toujours au sens de rendez-vous galant), je ne sais quoi, détente (dans le sens politique) et savoir-faire (dont le sens anglais, assez curieusement, se rapproche davantage de savoir-vivre). Bien que ces locutions soient depuis fort longtemps passées dans la langue anglaise, on les prononce toujours avec un soupçon d’accent français!
Gallicisme géographique
Le français n’est pas beaucoup parlé au pays de l’Oncle Sam, mais les Français n’ont pas manqué d’y laisser leurs traces. On leur doit le nom des villes de Détroit et de Sault- Ste-Marie, au Michigan, ainsi que d’Eau Claire, au Wisconsin, de même que le nom des capitales des États de l’Iowa (Des Moines), de la Louisiane (Baton Rouge), du Dakota du Sud (Pierre), du Vermont (Montpelier) et de l’Idaho (Boise).
Gallicisme administratif
Voilà une bête qu’on retrouve très souvent au Québec. Il s’agit d’un mot utilisé par des anglophones qui sont en contact avec un environnement visuel français. Un exemple? Autoroute plutôt que highway ou expressway : les Anglo-Québécois utilisent ce mot parce qu’il est facile à prononcer, parce que ses deux composantes (auto et route) sont aussi des mots anglais et parce qu’il figure sur les panneaux indicateurs. On pourrait aussi mentionner cégep, métro et CLSC (acronyme québécois pour le centre local de services communautaires). Il arrive même qu’on emprunte un mot au français pour ensuite le modifier, comme dans le cas de dépanneur devenu dep dans la bouche d’un Anglo-Montréalais.
Si on peut employer ces mots sans crainte au Québec, il vaut mieux s’en abstenir lorsqu’on est à l’étranger ou lorsqu’on s’adresse à des gens venant d’ailleurs.
Le faux ami
Son nom dit tout : il vous a l’air familier, même intime. Anodin, il se glisse facilement dans la conversation. Mais, une fois sorti de la bouche, il vous trahit, induisant votre interlocuteur en erreur. Le faux ami ressemble à un mot français, mais il n’a pas le même sens.
Prenons un exemple : currently. Vous pensez peut-être qu’il équivaut à couramment, mais il n’en est rien. Il veut dire actuellement. Mais tiens donc, vous dites-vous, actually, il signifie quoi, alors ? En fait, actually, c’est la traduction anglaise de réellement. Et pour compliquer davantage les choses, really ne se rapporte pas à réellement, mais plutôt à vraiment. Se fier aux apparences s’avère donc périlleux! Un article futur proposera d’autres exemples de faux amis.
Le gallicisme caché
Les anglophones qui côtoient régulièrement les francophones risquent tout particulièrement de tomber dans le piège de ce gallicisme. On le dit caché parce que, malgré ses apparences anglaises, il s’agit d’une expression française déguisée. Par exemple, close the light. Voilà trois mots qui paraissent bien, mais ils forment un trio plutôt mal assorti. En anglais correct, il faut dire turn off the light; close the light vient tout droit de fermer la lumière.
Le gallicisme pernicieux
C’est bien le plus difficile à dompter, celui qui vient alourdir les traductions anglaises en les privant de l’éloquence de la version originale. Ses causes? Maintenir une idée dans l’abstraction alors qu’elle s’exprime mieux en anglais de façon concrète; choisir un mot anglais rare pour traduire un mot français fréquent (ou vice versa); suivre la syntaxe française sans égard à la beauté de la phrase anglaise; ou tout simplement négliger de situer un texte dans un contexte culturel que le lecteur comprendra.